Jabes 2023 : Définir des normes dans le domaine de l’information et de la documentation

Colloque Documentation
le  10 juillet 2023
Retour sur une intervention de Frédérique Joannic Seta et Grégory Miura aux Journées Abes 2023, intitulée "Enjeux et actualités de la normalisation". Comment les normes fonctionnent-elles aux niveaux international et français ? Quelles questions se posent dans le domaine spécifique de l’information et de la documentation ?

Contexte de l’intervention : les Journées Abes 2023

Les dernières journées de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes) ont eu lieu les 23 et 24 mai 2023 au Corum de Montpellier, comme à leur habitude. Elles étaient les premières organisées sous la houlette du nouveau directeur de l’Abes, Nicolas Morin, et conclues par le nouveau président de son conseil d’administration, Michel Deneken.
Le programme des Journées Abes 2023 était riche et les interventions de grande qualité. Dans cet article, nous vous proposons de revenir sur une intervention à deux voix : Leurs fonctions dans la normalisation se positionnent en miroir, puisque le CT 46 traite de l’information et de la documentation au niveau international, tandis que la CN 46 se penche sur les normes françaises dans ces mêmes domaines.

Une synthèse visuelle de Solenn Bihan, participante aux Journées Abes 2023.
Une synthèse visuelle de Solenn Bihan, participante aux Journées Abes 2023.

Quel fonctionnement des normes à l’international ?

ISO, Organisation internationale de normalisation

L’Organisation internationale de normalisation (ISO) rassemble 165 organismes nationaux, dont 25 depuis 1945, parmi lesquels des acteurs qui structurent le monde de l’information et du numérique. De nombreux pays sont représentés au sein des membres, bien qu'on note une faible représentation de l’Amérique latine et de l’Afrique.
L’ISO produit cinq types de documents, qui ne sont pas tous des normes. On y trouve par exemple la norme internationale, en haut de la hiérarchie, mais aussi des spécifications techniques, des guides, etc.
L’enjeu d’une norme est d’être vue comme un objet de dialogue entre ses membres, issue d’un consensus.
L’ISO s’appuie sur une assemblée générale de ses membres, une présidence et des comités techniques d’experts. Cette organisation internationale fonctionne grâce à la participation financière de ses membres, en fonction du PIB du pays, et sur la vente de ses normes. Chaque pays peut participer au niveau qu’il souhaite.

Le Comité technique 46 : normes internationales d’information et de documentation

Le Comité technique 46 (CT 46) a été créé en 1947 pour traiter de la normalisation des pratiques relatives aux bibliothèques et à la documentation. Il ne réunit pas que des bibliothécaires. La présidence du CT 46 est portée par la France depuis 2001, par l’intermédiaire de l’Afnor et avec les financements du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, du Ministère de la Culture, de la Bibliothèque nationale de France et du Service Interministériel des Archives de France. Au global, le CT 46 a publié 129 normes et 22 sont actuellement en cours d’élaboration.
Le comité technique intervient dans trois grands domaines : les spécifications (ex : RFID, Dublin Core), les procédures (statistiques, etc.) et les outils.

Rôle et fonctionnement des comités techniques internationaux

Présider un comité technique ne signifie pas qu’il faille répondre à tous les besoins de normalisation ou décréter des normes. La notion d’élaboration des normes est forte : il s’agit de maîtriser les procédures de fonctionnement de l’ISO et d’organiser les échanges afin que tous les avis puissent être entendus, avec un principe de neutralité internationale qui passe par un travail sur le consensus et par une connaissance du secteur. La mission de développement des partenariats est importante.
En termes d’organisation, un comité technique rassemble les représentants de tous les pays membres, de pays observateurs et d’organismes extérieurs, tels que la Fédération Internationale des Associations et Institutions de Bibliothèques (IFLA). Des sous-comités peuvent également travailler en autonomie. Si une investigation particulière s’avère nécessaire, un groupe de travail peut être créé pour approfondir des sujets récents ou très techniques. On y trouve des agences de maintenance pour mettre à jour des normes, par exemple pour faire évoluer les acronymes de pays en fonction de la géopolitique.

La normalisation en France avec la Commission de normalisation 46 (CN 46)

Le rôle de l’AFNOR

La situation française reflète la situation internationale. En France, la normalisation est une mission d’intérêt général, confiée par décret à l’Agence française de normalisation (AFNOR). Un délégué interministériel à la normalisation est nommé par décret et ce même décret confie la mission de normalisation à l’AFNOR. À ce titre, l’AFNOR oriente et coordonne l’élaboration de normes nationales et la participation à l’élaboration des normes européennes et internationales. Elle constitue donc le membre français des ONG de normalisation européennes et internationales.
En France, la normalisation est une mission d’intérêt général.
En France, la norme est d’application volontaire dans le domaine de la documentation. En général, les normes ne sont pas obligatoires, mais il existe des exceptions pour 470 d’entre elles. Ce cas est prévu sur décret ministériel, principalement dans le domaine des finances.
Pour l’AFNOR, la notion de norme implique la prise en charge de circuits de validation et de révision. Ainsi, tous les mois, l’AFNOR reçoit une liste de normes internationales à réviser. Elle vote pour décider si elle souhaite la revoir, l’appliquer en l’état ou faire des adaptations mineures. Chaque norme est soumise à enquête publique : tout le monde peut la commenter et la commission de normalisation agrège ensuite les commentaires.

RDA-FR : pourquoi un code de catalogage plutôt qu’une norme ?

Le financement des normes passe par une subvention importante du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du Ministère de la Culture, par les cotisations des établissements participants et par une participation volontaire non rémunérée des personnes contribuant à l’élaboration des normes. Malgré tout cela, les normes restent payantes dans la majorité des cas. Cela tient au fait que la division qui produit les normes au sein de l’AFNOR est distincte de celle qui les publie.
Il y a cependant une volonté de rendre les normes accessibles et ce principe a guidé les choix quant à RDA-FR. Ainsi, RDA-FR n’est pas une norme mais un code de catalogage. La différence tient essentiellement à l’accessibilité et au fait qu’on s’affranchit de la procédure de révision pour être maître du calendrier d’élaboration de RDA-FR. Le format de description des thèses TEF (thèses électroniques françaises) prend la forme de recommandations, et non d’une norme, pour les mêmes raisons. Cette problématique est très prégnante au sein de la CN 46, car le périmètre de l’information et de la documentation reste en partie dans le domaine public.

La Commission de normalisation 46 (CN 46)

La CN 46 est composée de cinq sous-commissions. L’avantage de la CN 46 tient à une représentation de l’interprofession de la documentation avec des bibliothécaires, des archivistes, des documentalistes, des représentants des métiers du livre et de l’édition. Cela permet d’adopter une logique de chaîne de documents et pas seulement de bibliothécaires. Chaque année, la CN 46 organise une journée d’étude avec la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Pour conclure

La norme est une manière de construire un plaidoyer sur nos métiers et activités.

Quelles perspectives pour le CT 46 ?

En tant que nouveau président du CT 46, Grégory Miura souhaite nouer et renforcer des partenariats avec les acteurs historiques et avec de nouveaux acteurs, tout en donnant de la visibilité aux établissements participants. Il garde un point de veille sur le fait que l’activité normative ne doit pas concerner que les bibliothèques. Enfin, il souhaite prendre en compte la diversité des pays et l’applicabilité des normes, en particularité pour la conservation.

Complexité et force du consensus

La question de la normalisation en information et documentation n’est pas seulement une question technique ou de contraintes. Il s’agit de consulter largement l’interprofession afin de proposer des solutions tenant compte des besoins de chacun. Le processus normatif s’appuie sur la notion de consensus, un principe fort qui garantit la qualité des normes produites. Que ce soit au niveau national ou international, la mise en œuvre de cette méthodologie de travail nécessite de fortes compétences de diplomatie afin de créer ce consensus.
 
Compte-rendu rédigé par Claire Toussaint, responsable pédagogique chez Médiat Rhône-Alpes.
Un grand merci à Frédérique Joannic Seta et Grégory Miura pour leur autorisation à partager le contenu de leur intervention.
Publié le  10 juillet 2023
Mis à jour le  10 juillet 2023